Le biomimétisme et le bâtiment

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Le biomimétisme c'est quoi ?

Bureau d'etude

Biomimétisme est composé de « bio » du grec « bios » qui signifie « vie » et de « mimétique » du grec « mimêsis » qui signifie « imitation », certains y préfère le terme « bio-inspiré ». Il s’agit d’une démarche consistant à observer les phénomènes mécaniques et biologiques de la nature afin de s’en inspirer notamment dans les domaines de l’innovation technologique et de l’ingénierie. L’objectif étant de répondre à une problématique sociétale ou un besoin avec une solution ayant des coûts environnementaux et énergétiques plus faibles que d’autres solutions. En effet notre planète regorge d’écosystèmes ayant survécus à la sélection de milliards d’années d’évolution et qui constituent ainsi un gisement immense d’idée et de stratégie pour notre société et notamment pour la transition énergétique. Les champs d’application du biomimétisme sont nombreux et variés tels que les Matériaux, l’Energie, la Chimie verte, la Santé, l’Information, l’Economie circulaire, le Transport, l’Agroécologie, le Bâtiment et la Ville durable, ect….

Un peu d’Histoire…

Même si la révolution industrielle a contribué a éloigné l’humain de la nature, cette dernière est depuis toujours source d’inspiration pour l’Homme. Ainsi il ne s’agit pas d’une nouvelle science mais d’une pratique déjà ancienne, par exemple au XVIème siècle Léonard de Vinci dessina les premières maquettes de machines volantes en observant le vol des oiseaux.

Au XIXème siècle, John George Wood, un prêtre anglais se consacra à l’étude des sciences naturelles. En 1885, il publia Nature’s Teachings – Human Invention Anticipated by Nature, qui s’appuie sur toute une vie d’observation passionnée de la nature pour décrire des centaines d’inventions humaines (radeaux, crochets, photographie, électricité, etc.) fonctionnant sur le même principe que certains mécanismes biologiques. A la fin de sa vie, Wood avait d’ailleurs la conviction que c’était dans la nature que résidait l’avenir des technologies. 

Biomimétisme
Croquis de Léonard de Vinci
AFOSR
Logo de l’AFOSR en 1960

Né le siècle suivant, Otto Herbert Schmitt était un biophysicien et inventeur américain de génie. Au début de sa carrière, il a appliqué l’électronique et la physique à ses travaux de recherche novateurs sur les interactions électriques au niveau des terminaisons nerveuses. Comme beaucoup de ses pairs, il pensait que les enseignements de la biophysique pouvaient jouer un rôle majeur dans l’innovation, même s’il n’existait pas encore de terme pour désigner ces travaux. En 1957, il a donc inventé le terme biomimétisme, qui apparaît pour la première fois dans sa thèse de doctorat.

En septembre 1960, le bureau de recherche scientifique de l’armée de l’air des Etats-Unis (AFOSR) a organisé à Dayton un sommet de trois jours intitulé Bionics Symposium – Living Prototypes : the key to new technology. Cet événement, qui réunissait une trentaine d’intervenants issus du monde des sciences ou de l’ingénierie, a rassemblé plus de 700 scientifiques, ingénieurs et officiers militaires. A ce jour, l’AFOSR continue de contribuer à l’organisation d’événements novateurs ainsi qu’à la recherche et au financement d’études sur la biophysique appliquée et le biomimétisme en particulier.

Deux centres de recherches ont marqué l’histoire du bio mimétisme avant de disparaître vers 2008 : le Centre de la biomimétique de l’université de Reading (1991) dans des domaines variés tels que les matériaux intelligents, les structures déployables, les biocéramiques et les muscles artificiels et le Centre de la biomimétique et des technologies naturelles (2000). C’est en 1997 que la biologiste américaine Janine Benyus définie le biomimétisme dans son livre « Biomimicry : Innovation Inspired by Nature. Grâce au succès de son livre elle va créer en 2005, le Biomimicry Institute. Depuis, deux pays se distinguent par leur application, notamment au niveau industriel, du biomimétisme, il s’agit de la Suède et surtout de l’Allemagne. En France, l’influence du biomimétisme grandit depuis une dizaine d’année, avec la création du Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis (CEEBIOS) dont l’objectif est de favoriser les échanges, l’innovation et la recherche dans ce domaine. Depuis 2016, des scientifiques, des chercheurs, des ingénieurs, des urbanistes, des architectes, des philosophes et des sociologues et de nombreuses autres disciplines se rencontrent au cours du grand rendez-vous annuel du Biomimétisme : Le Biomim’expo.

Ceebios
Logo du Centre Européen d'Excellence en Biomimétisme de Senlis
Logo de la Biomim'expo
Logo de la Biomim'expo

Aujourd’hui, le biomimétisme en tant qu’approche pluridisciplinaire joue un rôle croissant dans les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Le volume des recherches universitaires dans ce domaine a explosé ses 15 dernières années, passant de 100 articles annuels dans des revues spécialisées au milieu des années 1990 à plus de 3000 en 2013. 

Application dans le domaine de la construction et du bâtiment

Parmi les nombreux champs d’application du Biomimétisme, on trouve le domaine du bâtiment et de la construction. En effet les stratégies bio-inspirées peuvent être utilisées pour une gestion efficace de l’énergie, par exemple : réduction de la consommation, augmenter la réutilisation ou optimiser le stockage. Par ailleurs, les bâtiments et structures artificielles, éléments de l’écosystème ville, doivent être conçus comme des organismes vivants intégrés, adaptés à leur milieu et capables de fournir des services écosystémiques comme accueillir la biodiversité, assurer une bonne qualité d’air, purifier et stocker les eaux de pluie ou convertir la lumière du soleil en énergie utilisable. Le biomimétisme représente une voie prometteuse afin de diminuer la consommation énergétique du secteur du bâtiment français qui représente 44% de l’énergie totale consommée en France ainsi que 22% des émissions de gaz à effet se serre (GES).

S’inspirer du vivant pour concevoir et construire n’est pas nouveau, plusieurs types d’architectures à travers l’Histoire reflètent cette tendance, tels que : l’architecture vernaculaire, japonaise, solaire, organique ou encore biomorphique. Ces concepts convergent vers le biomimétisme.

  • L’architecture vernaculaire est une architecture propre à un territoire donné, une culture ou un pays. Elle s’appuie sur des principes respectueux de l’environnement et sur des règles de bon sens tels que :
    • Utilisation de matériaux locaux et naturels
    • Main d’œuvre et savoir-faire locaux
    • Choix stratégique de l’emplacement afin de bénéficier au mieux des ressources naturelles du site
    • Architecture bioclimatique
    • Habitat évolutif et entretenu facilement
    • Habitat biodégradable
Bâtiment biomimétique
Architecture Vernaculaire en Afrique
Habitations traditionnelles
Habitations traditionnelles des Toraja en Indonésie
  • L’architecture solaire utilise un maximum les apports solaires grâce notamment à une serre orientée plein Sud et l’utilisation de la terre comme masse thermique. Les plantes, un puit sur le toit et la chaleur des habitants et des activités ménagères complètent la régulation thermique à toute saison. Les premières maisons reposent sur trois principes :
    • Matériaux abondants type terre ou recyclés
    • Autonome et décorrélation des réseaux d’énergie et d’eau
    • Constructibles par tous (quel que soit le niveau de revenu ou/et d’expérience)

Au fur et à mesure, panneaux solaires, géothermie et autres équipements ont été intégrés pour accroître l’efficacité énergétique. L’un des grands précurseurs de cette architecture est l’architecte Michael Reynolds qui a crée le principe de la géonef ou earthship dans les années 1970.

 

Bâtiment Bioclimatique
Fortship à Brighton
Bâtiment Bioclimatique
Intérieur d'un Fortship (ou Géonef)
  • L’architecture biomorphique quant à elle s’inspire des formes organiques des animaux/végétaux mais sans nécessairement une prise en compte de l’enjeu écologique. En 1994, l’architecte catalan, Santiago Calatrava, conçoit une nouvelle gare TGV au sein de l’aéroport de Saint-Exupéry, à Lyon, sous la forme d’un oiseau qui s’envole. Il est également possible de citer l’exemple de la Sagrada Familia, réalisée par Antoni Gaudi. Dans un premier temps, l’idée de s’inspirer des arbres pour fabriquer les piliers était purement esthétique. Puis il s’est rendu compte de la résistance permise par cette forme utilisant peu de matériaux.
Bâtiment bioclimatique
Gare TGV Saint-Exupéry
Bâtiment Bioclimatique
Plafond de la Sagrada Familia

Exemples de bâtiment biomimétique

  • Premier et deuxième prix concours Eiffel 2019

 

Le concours Eiffel 2019 avait pour thème « Architecture et Biomimétisme », une invitation à concevoir un projet immobilier (bureaux, logements ou mixte) dans une approche bio inspirée. Ce concours est réservé aux étudiants des écoles françaises d’architecture et d’ingénieurs.

Le premier prix a été décerné au projet « Sun Follower » de Jérôme Pitance, Aurore Coiffeteau et Guillaume Beauchesne. Et le second prix a été décerné au projet « Kaktos » de Joël Bonnot et Marius Roumieu.

Sun Follower est un projet de bâtiment passif singulier aux Grands Voisins (site de l’ancien Hôpital Saint Vincent de Paul, Paris) : deux volumes en symbiose logements et équipements tertiaires, reliés par un atrium composent un projet bioclimatique aux qualités spatiales sensibles, au confort intérieur optimal, à forte inspiration biomimétique. En complément de son système de ventilation naturelle, Sun Follower s’inspire des phénomènes naturels, tel l’héliotropisme (faculté des végétaux à suivre les rayonnements solaires) et le principe de la timidité en botanique, visibles directement sur la façade. Les brises-soleil s’orientent et se rétractent, pour à la fois se protéger de la lumière directe et offrir des points de vue variés.

Projet Sun Follower
Projet Sun Follower

S’inspirant de la forme des cactus et de la fonction de leurs épines, Kaktos se veut innovant et biomimétique. La tour de 21 étages situé dans le quartier du Chaudron à Saint Denis (Ile de La Réunion) constituée de volumes en saillie, en forme d’épines, permet à la fois de récupérer l’eau de pluie et de faire de l’ombre au corps du bâtiment. L’ensemble du projet repose sur une structure légère bois-métal qui limite le stockage de chaleur tout en intégrant une ventilation traversante.

Bâtiment Biomimétique
Projet Kaktos
  • Ecotone

La ville d’Arcueil va accueillir en 2023 le projet d’architecte « Ecotone » l’un des projets lauréat du concours « Inventons la Métropole du Grand Paris ». Œuvre d’un consortium de cabinets d’architecture (Duncan Lewis Scape Architecture, Triptyque Architecture, OXO Architectes et Parc Architectes ainsi que le paysagiste Atelier Georges) le projet « Écotone » consiste en un bâtiment offrant 82.000 mètres carrés de bureaux, de commerces, d’équipements sportifs, de crèches, le tout partiellement dissimulé en une sorte de colline verdoyante. Il prend la forme d’un bâtiment étagé en terrasses au long de la pente et creusé de patios permettant l’éclairement intérieurs des lieux de vie et de travail. La création d’un « épiderme vivant » permet de protéger l’intégralité de sa façade. C’est par le jeu d’une double façade de verre et de végétal que le bâtiment se protège des nuisances extérieures (bruits, chaleur) tout en bénéficiant d’une grande ouverture sur le paysage. Ces terrasses abritent des multiples usages dans un cadre unique, entre bâti et nature. Pourront ainsi y être installée des salles de détente et de réunion, des jardins potagers, des tables…

Bâtiment biomimétique
Bâtiment biomimétique
Bâtiment Biomimétique
Bâtiment Biomimétique

Projet Sun Follower

Cette « seconde peau » anime par ses formes la façade du bâtiment et prolonge la topographie singulière du Coteau. Certains espaces sont mis en liaison par deux passerelles afin de favoriser le déplacement, la communication directe et l’échange entre les utilisateurs des bureaux. Ce bâtiment sera construit « dans une démarche bas carbone » explique un texte de présentation du projet. Il intègrera donc des dispositifs de récupération de chaleur des eaux usées, des panneaux solaires des éoliennes, et des unités de méthanisation pour recycler les déchets organiques. « Le smart grid multi énergies sera relié à la mobilité par la création d’une centrale multi énergie qui fournira de l’électricité, du biogaz et de l’hydrogène pour la mobilité de demain », précise le communiqué. Le bâtiment devrait sortir de Terre en 2023 et sera alors le plus grand bâtiment en bois d’Europe.

Rédaction (Février 2020) : Mme Alice CARRICART – Ingénieure Obiose

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